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J'oublie tout

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« Je mets un tableau sur un mur. Ensuite j'oublie qu'il y a un mur. Je ne sais plus ce qu'il y a derrière ce mur, je ne sais plus qu'il y a un mur, que ce mur est un mur, je ne sais plus ce que c'est qu'un mur, je ne sais plus que dans mon appartement il y a des murs, et que s'il n'y avait pas de murs il n'y aurait pas d'appartement. Le mur n'est plus ce qui délimite et définit le lieu où je vis, ce qui le sépare des autres lieux, il n'est plus qu'un support pour le tableau. Mais j'oublie aussi le tableau. J'ai mis le tableau sur le mur pour oublier qu'il y avait un mur, mais en oubliant le mur j'oublie aussi le tableau. Il y a des tableaux parce qu'il y a des murs. Les tableaux effacent les murs, mais les murs tuent les tableaux (…)1»

J’oublie tout réunit les récents travaux des étudiant·e·x·s de Master 2 Peinture. L’exposition témoigne de la très grande diversité des pratiques et préoccupations qui animent l’atelier. Face à cette diversité, il est tout aussi difficile qu’artificiel d’imaginer une thématique générale, qu’elle touche aux aspects les plus formels et/ou conceptuels des projets. Se partage néanmoins une exigence commune : rendre prégnant ce qui échappe aux discours, voire aux images elles-mêmes. En d’autres termes, lutter aux limites de son imaginaire, chercher à le rendre KO, au risque de ne plus « vraiment savoir » et pour cette raison même, risquer un choix. Faire le pari de la peinture, c’est refuser à la fois le mur et le tableau. C’est un jeu où il faut nécessairement oublier les évidences, les images mortes et les chemins déjà conquis. Jeu de dupes, mais qui de support en support, forme un mouvement irréductible à toute objectivation et littéralité. Non plus un tableau ou un mur, mais la possibilité d’un déplacement, d’une aventure qui  toujours s’initie d’un savant oubli.

[1] Georges Perec. Espèces d’espaces, 1974.

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